La 1ère coupe du monde de slam poésie


« this is for the fat girls
aux filles trop grosses
this is for the little brothers


à leurs petits frères
this is for the schoolyard wimps and for the childhood bullies that tormented them
aux mauviettes des cours de récré et aux petites brutes qui les persécutaient
for the former prom queen and for the milk crate ballplayers
à l’ex-beauté de sa classe et aux petits joueurs de ballon »


Anis Mogjani


Le slam de poésie se pratique de la même manière au Zimbabwe, au Danemark, en Angleterre, en Italie, en Finlande ou aux Etats-Unis… c’est un sport de poésie bon enfant et universel. La preuve, cette année, la fédération nationale de slam de poésie, organise la 1ère coupe du monde de poésie, invitant pour l’événement les poètes qui ont gagné le slam national dans leur pays. 16 poètes étrangers se sont donc retrouvés sur la scène de Bobigny, croisant leurs mots, leurs univers, leurs phonèmes étranges, leurs gestes….

Derrière chaque poète c’est magique : un écran noir où défile vers par vers le poème en trois langues, originale, français, anglais. L’audience comprend, subjuguée, le finnois, l’italien, le danois, le shona ou encore l’anglais. Les poètes de toutes les langues comprennent eux aussi… et puis il y a Mona Gean la traductrice en langue des signes officielle du Grand Slam National américain qui sur scène traduit, que dis-je ? danse ! tous les poèmes de cette coupe du monde en s’inspirant de la traduction anglaise…Tout à coup cette première coupe du monde devient une sorte de Babel universelle.

La venue des poètes de la coupe du monde dans les écoles de Bobigny, avec k’trin-d et Jaco qui ont mené auprès des enfants des ateliers de slam de poésie toute l’année, est une expérience poétique extraordinaire pour les écoliers balbyniens. Partage de poésie du monde… les petits de CM1 ou de CM2 ont écrit pour l’occasion des poèmes en anglais, en sri lankais ou en créole
Mais reprenons les choses au commencement.


Madagascar arrive à Paris en premier, la semaine précédent l’événement : Tomboarivo Ravalihasy est curieux de participer un peu en amont à l’organisation du festival car le mois prochain il ouvre le Grand slam malgache dont il est l’un des organisateurs. Victor Zarca n’est pas loin car il représente la France puisqu’il est le gagnant en individuel du Grand Slam National 2006 qui s’est déroulé à Nantes au lieu unique.


L’inauguration du festival commence sur une péniche et c’est une explosion de mots d’ici et d’ailleurs qui ondulent au fil de l’eau avant d’arriver à Canal 93 pour le discours chaleureux de madame la Maire de Bobigny et les petits fours.
Puis viennent les premiers rounds de la coupe du monde de poésie Thorkil Jacobsen du Danemark rencontre sur scène, Chirikure chirikure du Zimbabwe et Sparajuri d’Italie. L’italien surprend par la modernité de ses textes et ses performances d’arlequin contemporain. Chirikure monte sur scène en habit traditionnel : ses textes sont souvent brefs mais les images sont fortes et poignantes. Thorkil Jacobsen a une grâce et une diction étrange en opposition avec ses mots ultra contemporains. On n’oubliera pas « Génération M ».

Même soirée, même scène, à Canal 93 ; c’est le deuxième round : Anis Modgani vient de Seattle ; il est le gagnant du slam de poésie américain 2006 et 2007 en individuel. Moi qui l’ai vu performer à Albuquerque et à Austin, je sais à quel point il a la grâce et à quel point il séduit le public américain. C’est intéressant de voir comment va réagir le public français… à la finesse des textes traduits… Ma copine Zaz me fait signe qu’elle a les larmes aux yeux… pourtant elle n’a pas l’émotion facile. Mais arrive le finlandais, Jouko Saksio : ses textes sont d’une drôlerie absurde… celui là il vient vraiment d’ailleurs.. Ivy vient du Québec… il a cet accent qu’on aime tant en France.

Le lendemain, les poètes anglais, allemand, et Canadien se rencontrent à la salle Max Jacob de Bobigny dans le round 3… et puis c’est le round 4 avec Victor Zarca notre représentant français, le roi du jeu de mots et de l’humour poétique avec « J’aime le rap et l’opéra… ». Mais celui qu’on appelle Tombo est aussi un grand poète : sa version malgache du Corbeau et du renard est tout simplement tubesque. Le Hollandais, Krinj Peter Hesselink chuchote au micro… pas besoin d’en faire des tonnes pour émouvoir… il parle d’amour comme personne, comme jamais. Bodhan Piasechi est polonais mais parfaitement francophone… il a un débit en polonais hallucinant et nous raconte des histoires drôles ou émouvantes.

Les demi-finales de la coupe du monde de poésie ont eu lieu le jeudi 28 juin au cinéma le Magic de Bobigny et curieusement les poètes francophones qu’on aurait cru favoris ont tous déjà été éliminés… Le public français semble davantage séduit par les langues qui viennent de loin
Se rencontrent donc lors de deux rounds Le Danemark, Le Zimbabwe, Les Etats-Unis, la Finlande, L’Angleterre, la Hollande, le Canada et la Pologne. Mona Gean et les autres traducteurs en langue des signes s’agitent sur la scène… les mots accélèrent sur la scène ou ralentissent jusqu’au silence… les poètes s’envolent et le public aussi. Certains sont éliminés à cause de pénalités de temps comme Dizraeli, l’anglais…



La finale a eu lieu vendredi 29 à la MC 93. Et là je me dis que sur scène, le public a droit à de grands poètes du monde entier et ce dans des styles très variés. La tension est à son comble.. Le double champion du slam de poésie américain, Anis Mojgani, va-t-il devenir le champion du monde… non pas de natation ou de patinage artistique mais de slam de poésie ????? Mais l’humour dévastateur et parfois tragique du canadien Randy Jacobs, sa présence scénique.. son parler vrai et sa sincérité font mouche… c’est tout simplement beau…. Beau comme la poésie polonaise de Bohdan et ses contes réalistes… ou comme la tendresse de Chirikure Chirikure. Le Canadien et l’Américain sont au coude à coude. Mona Gean danse sur scène avec ses mains et son visage comme si elle ressentait tous les mots, toutes les langues…
Et encore une fois c’est l’américain Anis Mojgani qui remporte la 1ère coupe du monde de slam de poésie. C’est Henriette Zouguébi, présidente du comité régional du tourisme de la région île de France, qui après un discours enflammé, remet à Anis son trophée, et une invitation à un week-end de son choix dans des lieux de prestige de la capitale parisienne. Mais Anis ne perd pas la tête… il se prépare déjà à défendre son titre au national Poetry slam qui se déroule au mois d’août 2007 à Austin Texas.
Merci aux poètes du monde entier et à l’année prochaine !!!!!!!


« Mumwe akati kutaura kunononoka, zvinotoda zvibhakera,
L’un a dit que parler prenait trop de temps et qu’il fallait utiliser les poings One person said talking is too slow, better use fists,
Mumwe akati zvibhakera zvinononoka, zvinotoda matombo,
Un autre a dit que les poings prenaient trop de temps et qu’il fallait utiliser des pierres,
Another said fists are too slow, better use stones ...”

Chirikure Chirikure